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Notre Histoire
MERCREDI 26 JANVIER 1983
INAUGURATION DE LA BOURSE DU TRAVAIL
Mesdames,
Mesdemoiselles,
Messieurs,
Chers Amis et Camarades,
Inaugurer une Bourse du Travailest toujours un événement marquant dans une ville. Quand il s'agit de Saint-Denis, ville de tradition industrielle, dont le mouvement ouvrier a écrit quelques unes de ses pages d'histoire, cela doit être encore plus vrai.
La Bourse du Travail de Saint-Denis : de 1892 à aujourd'hui.
Car le chemin été long depuis avril 1892, où quelques syndicats dionysiens constituent une union qu'ils appellent Bourse du Travail, ce qui était alors illégal. Malgré des luttes d'influence et des querelles internes au mouvement ouvrier de l'époque, la tâche essentielle de la Bourse du travail fut de former des syndicats, d'animer et diriger les luttes des travailleurs. Puis, elle organisa des conférences mensuelles, des fêtes familiales, des conseils juridiques, un bureau de placement.
Hébergée à la Mairie, puis rue du Saulger, rue des Ursulines, elle le sera ensuite rue Suger.
Mais il faudra attendre 1935 pour
que la construction de nouveaux locaux pour la Bourse du Travail à Saint-Denis,
soit inscrite dans un programme municipal : celui de la liste conduite par
Jacques Duclos et Auguste Gillot, qui s'opposait à celle de Jacques Doriot.
Depuis la Libération, la construction de la Bourse figure dans tous les programmes d'action municipale, sans qu'elle puisse, financièrement, voir le jour.
Et ce n'est, comme on le sait, qu'en 1977 que nous avons pu engager les crédits nécessaires à l'acquisition du terrain et à sa construction.
Son implantation proche des zones industrielles de Pleyel et de la Plaine-Saint-Denis, la situe à une place stratégique dans la ville, offrant une large gamme de dessertes possibles, et, en particulier, des transports publics.
Sa conception par l'architecte Roland Castro, en fait déjà aujourd'hui un immeuble très remarqué, qui s'inscrit dans une politique plus générale de recherche d'une architecture de qualité pour les Dionysiens et les travailleurs.
Je veux également souligner qu'à tous les moments de la conception du programme, jusqu'à la répartition des locaux, en passant par la convention et la préparation de l'inauguration, nous avons eu le souci permanent du dialogue et de la concertation avec les organisations syndicales.
Sur ces bases, on peut dire sans exagération que cette Bourse du Travail est l'affaire des organisations syndicales et des travailleurs.
Il faut préciser que les villes voisines de Pierrefitte, Villetaneuse et l'Ile-Saint-Denis sont concernées par cette Bourse, puisqu'elle hébergera leurs syndicats.
Je tiens à remercier mes collègues, maires de ces communes, qui ont répondu favorablement à une demande de participation financière au fonctionnement de l'établissement.
Une dernière particularité mérite d'être notée : plusieurs grandes associations locales ont, en accord avec les syndicats, leur siège dans cette maison. Les autres salles de réunions pourront, en accord avec la Ville, être utilisées par les associations du quartier ou de la ville.
Cette dimension est loin d'être négligeable car nous savons combien les associations de la ville ont des difficultés dans ce domaine pour organiser leurs initiatives et manifestations.
En priorité : l'emploi et l'activité économique.
Ainsi, à Saint-Denis, 3ème ville industrielle de la Région parisienne, après Paris et Boulogne-Billancourt, les syndicats, les associations, disposent d'un outil de travail à la hauteur de leurs ambitions.
Sa construction revêt une signification particulière à notre époque. Elle est une marque supplémentaire de notre détermination à privilégier l'emploi et l'activité économique dans notre ville.
Cette question est bien la question-clé. C'est bien la grande phase de l'industrialisation depuis les années 1870 et 1900 qui a fait connaître un essor sans précédent à Saint-Denis ; des grandes entreprises se sont installées, des milliers de travailleurs sont venus y loger, le mouvement ouvrier a fait son apparition, puis une percée dont l'écho retentit encore aujourd'hui.
Si tant a pu être fait, depuis la Libération, du point de vue social, pour les enfants, pour la santé, pour les travailleurs de Saint-Denis, si nous pouvons présenter un bilan aussi éloquent dans l'exposition « 1945-1983, ensemble, faire la ville », ce n'est pas par miracle. C'est pour une large part, parce que les travailleurs des entreprises de Saint-Denis ont créé les richesses nécessaires. Ce que nous avons fait c'est une juste redistribution au profit des travailleurs et des familles.
Ainsi, hier comme aujourd'hui, la production industrielle est le moteur de la ville, comme elle est celle du pays.
Les gouvernements précédents, aidés par le grand patronat, l'avaient bien compris puisqu'ils se sont livrés à une entreprise de démolition systématique. On mesure mieux leur objectif : en liquidant les entreprises, en chassant les travailleurs de la ville, ils voulaient remettre en cause le fondement même, la structure sociale de la ville, son caractère ouvrier, et par voie de conséquence les acquis dus à 35 ans de estion sociale et démocratique.
Ils ont désorganisé l'industrie à la Plaine-Saint-Denis, qui compte 70 hectares de friches industrielles, sacrifié plus d'une centaine d'entreprises, des dizaines de milliers d'emplois. Ils ont limité la recherche, sabordé des technologies très développées, dans de nombreuses entreprises.
Ils ont développé l'investissement à l'étranger, au détriment de leurs structures locales, préférant des profits plus substantiels réalisés dans les pays où la main d'œuvre est peu chère et démunie de toute convention sociale. Ils ont encouragé le travail précaire, l'intérim, plutôt que de créer des emplois et former des jeunes.
Encore faut-il ajouter que les luttes des travailleurs, de leurs organisations syndicales, les initiatives des élus ont permis de limiter certains effets de cette politique et ont empêché messieurs Chirac, Giscard, Barre, de l'appliquer pleinement.
Pour la reconquête industrielle.
Aujourd'hui, avec les travailleurs nous sommes engagés dans une grande bataille pour la reconquête industrielle, pour l'emploi, le progrès social, les droits des travailleurs. De premiers jalons ont été posés par le Gouvernement depuis mai 1981 : les nationalisations, les lois Auroux sur les droits des travailleurs, l'effort pour des productions nationales compétitives, le déploiement d'une formation professionnelle pour les jeunes. Au plan social, les travailleurs ont obtenu le relèvement de 12,5% du pouvoir d'achat du S.M.I.C., la 5ème semaine de congés payés, la semaine de 39 heures, la revalorisation des allocations familiales, etc... La retraite à 60 ans fait l'objet d'une âpre bataille entre le patronat et les syndicats pour une application sans restriction.
Ces mesures qui en appellent d'autres, mettent en rage les anciens tenants du régime qui veulent non seulement les remettre en cause, mais pensent que leur offensive permettra aussi de faire sauter les acquis sociaux et économiques du Front Populaire et de la Libération. S'il manque une preuve pour montrer que nous sommes sur la bonne voie, elle nous est fournie par leur déchaînement quotidien, leurs pressions, relayés et amplifiés par les médias comme aux plus beaux jours du giscardisme.
C'est pourquoi, à Saint-Denis, nous nous sommes attelés à cette tâche depuis mai 1981. Nous avons multiplié les démarches auprès des pouvoirs publics, des différents ministères ; nous avons, de nombreuses fois, rencontré les organisations syndicales et les responsables des principales entreprises de la ville. Nous avons créé le comité local pour l'emploi, nous nous sommes dotés d'un véritable service des affaires économiques, d'une antenne de promotion de la zone industrielle.
Nous avons signé avec l'Etat un contrat de solidarité. Nous avons ouvert une permanence d'accueil pour les jeunes de 16-18 ans, et organisé deux stages d'insertion pour les jeunes dionysiens. Nous avons relancé la négociation sur l'utilisation du Landy-Cornillon.
Un premier bilan doit être tiré de ces initiatives et des orientations nouvelles dont je parlais à l'instant.
Disons que l'hémorragie a été diminuée, mais pas encore stoppée. Si le temps semble révolu où pas un mois ne passait sans son cortège de licenciements et de départs d'entreprises, des inquiétudes persistent, notamment chez Languepin pour qui nous continuons de proposer l'arrêt des licenciements et la reprise de l'activité. C'était encore l'objet de la démarche des parlementaires, avec Pierre Zarka, vendredi dernier à Matignon.
Les démarches, que j'évoquais ont contribué, d'une manière où d'une autre, à créer 2 900 emplois, à en maintenir 1 000 autres depuis 1981. Le chômage, qui reste important, a pour la première fois diminué légèrement en 1982, au plan national et dans notre ville, notamment grâce aux contrats de solidarité.
Mais stopper l'hémorragie ne suffit pas. Ce que nous voulons, c'est la guérison complète, c'est-à-dire le plein emploi, la revitalisation de la zone industrielle. Avec le Conseil Général, nous avons proposé que s'y installe un centre régional de la machine-outil, nous appuyant sur les orientations gouvernementales de développement dans ce secteur clé de notre industrie. Dans le même ordre d'idée, nous soutenons un projet de l'université Paris XIII d'installer à la Plaine-Saint-Denis, un I.U.T. qui formerait des techniciens pour cette branche.
Avec les travailleurs des entreprises et le Conseil Général, nous avons proposé que la Plaine-Saint-Denis, la plus vaste zone industrielle de la région, soit utilisée pour la relance dans les secteurs de la construction électrique, des équipements industriels, de l'électronique et de l'informatique industrielle.
Avec «le Monde» et «Paris Print», bientôt les «N.M.P.P.» elle sera prochainement un des centres principaux dans le secteur de la presse parisienne.
Traditionnellement liée à l'énergie puisqu'on y trouvait il y a encore peu de temps, les célèbres gazomètres, de nombreux secteurs d'activités liés à E.D.F.-G.D.F. y demeurent ou se développeront sur les sites du Landy et de Pleyel.
Du point de vue infrastructures, cette zone sera bientôt irriguée par l'autoroute A 86, ce qui renforcera ses atouts. C'est ce qu'a annoncé à Saint-Denis, le ministre des Transports Charles Fiterman, ainsi que le déblocage des five que les chances de redémarrage de Languepin seraient A 1 en tranchée et les protections antibruit dans les autres secteurs.
Ensemble pour que réussisse le changement.
Mais il faut être lucide. La réalisation de ces objectifs ne tombera pas du ciel. Ce qui sera déterminant, ce qui a toujours été déterminant, c'est l'intervention directe des travailleurs, des techniciens, des ingénieurs avec leurs organisations syndicales.
Elle a été décisive pour obtenir la semaine de 39 heures sans réduction de salaires. Elle le sera pour aller au-delà.
Pour lever les obstacles, résister aux pressions de la droite, il n'est pas d'autres solutions que la lutte des travailleurs. Ceux de Citroën, de l'automobile, nous ont montré l'exemple à suivre pour obtenir des succès. Car vous le mesurez, l'heure n'est pas à contempler ce qui va mieux et à ronchonner contre ce qui ne va pas.
Je pense à ceux qui trouvent, justement parfois, que ça ne va pas assez vite et qu'il est utile de donner à la gauche un avertissement sans frais en restant devant la télévision le jour du scrutin du 6 mars. Ceux-là se trompent. Ce serait dangereux pour eux et pour le pays. Car s'abstenir serait renforcer la droite. Et je serais curieux de connaître un seul exemple d'une bonne politique en faveur des travailleurs avec la droite renforcée. Qui
m'apportera la preuve que les chances de redémarrage de Languepin seraient favorisées par un affaiblissement de la gauche à Saint-Denis ?
La tâche d'aujourd'hui, de tous ceux qui veulent que réussisse le changement, c'est de se mobiliser pour contraindre le patronat à signer les contrats de solidarité, à prendre des jeunes stagiaires, a investir en utilisant les allégements de taxe professionnelle qu'il viennent d'obtenir.
Les élus de Saint-Denis, comme ils l'ont toujours fait, seront toujours à vos côtés. Mais en revanche ils n'auront que le poids que vous leur accorderez.
C'est pour donner les moyens de travail les plus favorables, aux organisations syndicales, que nous remettons, avec une certaine fierté, ces locaux à leur disposition.
Hommage à Marcel Paul.
Je me permettrais cependant, avant de terminer, de formuler à un double titre, celui de maire et celui d'ouvrier E.D.F., un souhait.
Mes collègues actifs et retraités du gaz et de l'E.D.F. apprécieraient grandement que la mise en service d'un tel équipement soit l'occasion d'honorer la mémoire d'un grand militant du mouvement ouvrier, d'un homme d'état récemment disparu et dont le nom est également intimement lié à notre ville. Cet homme c 'est Marcel Paul, le père du statut unificateur des personnels du gaz et de l'électricité, le concepteur des nationalisations de ces industries et le réalisateur des œuvres sociales les plus avancées qui déchaînent, chaque jour encore, les foudres du patronat et de la réaction.
Il connaissait chaque four et atelier du Landy et du Cornillon, tout comme chaque lieu d'activité de la centrale de Pleyel.
Arrêté par la police au temps de l'occupation hitlérienne, c'est au commissariat de la rue Edouard Vaillant, qu'il fut torturé et tenta, sous la douleur, de se suicider.
C'est à l'hôpital Casanova qu'il fut transporté, puis soigné et protégé par les infirmières de Saint-Denis, avant sa déportation où chacun sait aujourd'hui le rôle patriotique et humain qu'il a joué.
Il nous semble que ce serait un honneur pour le mouvement ouvrier et notre ville, que son nom soit associé à cette maison que j'ai l'immense plaisir, aujourd'hui, de confier aux organisations syndicales et mouvements sociaux.
Enfin je ne saurais terminer cette allocution sans adresser nos remerciements à Monsieur l'architecte, au bureau d'études, aux entreprises presque toutes d'implantations locales, à leurs techniciens et ouvriers qui ont conçu et construit cette Bourse du Travail.
Nota : Les intertitres ont été rajoutés au texte de l'allocution de Monsieur Berthelot.